Aux frontières de l’open-space

Dans les précédents numéros, nous avons vu que divers processus liés aux émotions, à la culture d’entreprise ou encore au travail en groupe impactaient le bien-être et la performance au travail.

À ce même titre, l’aménagement de l’espace et du temps joue un rôle important dans le bien-être et la performance des employé∙é∙s.

Espaces fermés vs Open-space : Quel aménagement privilégier ?*

Les bureaux aménagés en open-space ont commencé à apparaitre au début du XXe siècle avant de se développer massivement dans les années 50-60. Une étude réalisée par Actineo pour l’Observatoire de la qualité de vie au bureau (2015) indique que seulement 34 % des employé.e.s travaillent dans un bureau individuel fermé, pour 39 % dans un bureau fermé collectif et 18 % dans un espace collectif ouvert. Ce nouvel aménagement spatial des bureaux permettrait ainsi de favoriser la convivialité, la communication et l’interaction entre collègues, et par conséquent, l’efficacité et la productivité du travail.

Cela permet surtout aux entreprises d’augmenter la surface nette utilisable, de rentabiliser chaque m2 et, par conséquent, d’effectuer des économies là-dessus. L’aménagement des bureaux en open-space serait donc rentable, que ce soit pour le bien-être des employé∙e∙s ainsi que pour l’entreprise. Cependant, de nombreuses études menées sur les conséquences de l’open-space sur le bien-être des employé∙e∙s indiquent l’exact opposé !

Le casse-tête de l’open-space

En effet, bien que ces croyances sur les avantages des open-spaces soient très répandues, de nombreux ouvrages et études mettent en évidence que cet aménagement spatial est beaucoup plus néfaste qu’avantageux, que ce soit pour l’employé∙e ou l’organisation.

Concernant l’employé∙e, des recherches mettent en évidence une baisse significative de concentration, de sentiment d’intimité, de perception de performance et de satisfaction à l’égard de l’espace de travail lorsque celui-ci est aménagé en open-space.

Les open-space impactent également la santé du personnel, que ce soit au niveau de leur détresse, l’irritation, la fatigue ou encore les maux de tête. L’aménagement des espaces ouverts est également néfaste pour l’organisation car l’insatisfaction environnementale est une des causes principales de la baisse de productivité des salarié∙e∙s.

Open-space, source de mal-être ?

La qualité de l’environnement intérieur (QEI) regroupe différents critères à l’intérieur d’un bâtiment tels que la luminosité, l’acoustique, la qualité de l’air ou encore le confort thermique pouvant impacter le bien-être. Celle-ci a été étudiée en fonction de l’aménagement des locaux en bureaux fermés ou ouverts. Les résultats indiquent que la majorité des aspects regroupant la QEI sont perçus comme plus négatifs dans les espaces ouverts que fermés. Les deux sources d’insatisfaction revenant régulièrement dans la littérature comme étant beaucoup plus marquées dans les espaces ouverts concernent l’intimité sonore et visuelle.

Au sujet de l’aspect sonore, la confrontation des personnes avec les bruits et brouhaha quotidien, les discussions des collègues perturbe considérablement la qualité de leur travail, et ce d’autant plus lorsque la tâche est complexe et nécessite de la concentration. Là-dessus, une étude menée par Haapakangas et al. (2008) indique que la perte de productivité due aux distractions sonores est multipliée par deux dans les espaces ouverts par rapport aux bureaux fermés. Quant à l’intimité visuelle, le personnel est constamment confronté à des observations indésirables, des contacts excessifs et non-souhaités, une impression d’être surveillé entrainant un sentiment global de perte d’intimité et de contrôle sur leur espace de travail.

Une échelle de satisfaction à l’égard de l’espace de travail développée par Fleury-Bahi et Marcouyeux (2017) révèle que celle-ci porte sur deux dimensions : la satisfaction concernant la perception de contrôle et de privacité de son espace de travail (être isolé du regard des autres, du bruit, possibilité de personnaliser son espace de travail…) ; le confort et la fonctionnalité de son espace de travail (matériel disponible, éclairage, vue sur l’extérieur…). Bien que l’aménagement des bureaux en espace ouvert pourrait être bénéfique dans des conditions particulières de travail (par ex. : travail en équipe sur un projet commun), globalement, les espaces ouverts impactent négativement la satisfaction concernant la perception de contrôle et de privacité de son espace de travail et présentent peu d’avantages en comparaison avec les espaces fermés.

De la productivité à l’aménagement du temps de travail

La mise en place d’horaires flexibles a été utilisée pour la première fois en 1968 dans une entreprise allemande qui comptait plus de 6000 salarié∙e∙s, permettant d’améliorer le flux routier autour de l’usine. Ce dispositif s’est ensuite progressivement étendu à d’autres entreprises et d’autres pays. Cela consiste, pour les salarié∙e∙s de choisir, dans une certaine mesure, l’heure de début et de fin de leur journée de travail. Ce dispositif permet notamment de ne plus avoir de problèmes de retard des employé∙e∙s mais également leur permet de mieux concilier leur vie privée et professionnelle ainsi qu’améliorer leur bien-être (Colle, 2007). Cependant, les études portant sur ce dispositif révèlent des effets très contradictoires sur la productivité des employé∙e∙s ainsi qu’une absence de lien avec la réduction de l’absentéisme.

Concernant le cas du travail de nuit, là aussi, les résultats concernant la productivité des employé∙e∙s ne permettent pas d’en tirer une conclusion fiable et définitive. Cependant, son impact sur le bien-être de ceux-ci est, quant à lui, bien réel. En effet, le travail de nuit engendre de nombreux troubles liés à la santé, de la fatigue, des troubles du sommeil, maladies gastro-intestinales et cardio-vasculaires. Il occasionne également des répercussions négatives sur la vie privée de la personne.
 
En conclusion

Les conditions environnementales ont un impact réel sur les employé∙e∙s, que ce soit au niveau de leur satisfaction et motivation à travailler, sur leur bien-être ou encore leur performance. Tout ceci impact forcément l’organisation à son tour. À titre d’exemple, une étude menée par Oldham et collaborateur (1995) montre que le simple fait de pouvoir écouter de la musique via un casque stéréo sur son lieu de travail améliore la performance. Penser à un aménagement optimal de l’espace et du temps ne peut donc qu’être que bénéfique, que ce soit pour les employé∙e∙s ou pour l’entreprise.

>> Note : *https://escholarship.org/uc/item/2gq017pb

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