« Les états limites » aux éditions DUNOD

Ce mois d’avril 2022 nous offre une belle publication de Patrick CHARRIER, PhD et co-founder de Forhuman et Astrid HIRSCHELMANN, Maître de conférences en psychopathologie et criminologie à l’Université de Rennes 2.

Les « états limites » ou « borderline » se révèlent dans l’association de traits de personnalité (dépendance, perturbation de la représentation de soi, tendance au passage à l’acte) et de symptômes (dépression, angoisses d’abandon, auto-agression, conduites addictives, impulsivité).

Leur définition prête à controverse : s’agit-il d’un trouble de la personnalité, d’un type d’organisation psychopathologique, voire d’une « structure » à l’instar des névroses et des psychoses ? Ou de rien de tout cela ?

Le présent ouvrage, réactualisé dans cette 4e édition, offre la description clinique ainsi que la mise en perspective historique, épistémologique et technique nécessaire à l’appréhension de ce qui apparaît relever en fait d’une véritable « pathologie du narcissisme ».

Extrait du livre

« Dans quelle mesure l’état limite peut-il être considéré comme un état pathologique? Si notre référence est bien celle de la psychopathologie, cette dernière va, dans le cadre de l’état limite, bien au-delà du sens qui lui est classiquement imputé dans la mesure où on convoque forcément le lien social, mais aussi d’une certaine façon la référence morale intimement liée à la notion de limite. Selon D. Widlöcher (1994), «psychopathologie signifie à la fois le trouble mental étudié et la science qui l’étudie. Ce double sens se comprend dans la mesure où, avec le temps, la science psychopathologique a cherché non seulement à décrire les différences, mais aussi à définir la nature du trouble, son mécanisme et ses origines. »
La notion de limite est paradoxalement floue et son application, que ce soit sa mise en acte ou son éprouvé, est différente selon les cas. En cela, elle est exposée plus que toute autre entité morbide aux influences des normes et valeurs dégagées par le champ épistémique qui la traverse de part en part. Ce constat vient non seulement poser la question du pathologique, mais suscite plus largement celui de la transgression, qui désigne la violation d’une règle quelconque et dénote la limite que le comportement a enfreinte. On comprend alors mieux que l’état limite est par essence un concept qui réinterroge l’espace communément admis, occupé par la psychose et la névrose, pour venir offrir un semblant de mesure de la distance qui les sépare.

La méthode pathologique consiste non à expliquer le fait pathologique, mais à y recourir, en vue d’une explication du normal. Ce dernier laisse apparaître des processus de pensée et de comportement qui éclairent par leur différence ou leur défaut, ce qui fait qu’il renvoie plus à l’anomalie de certains processus psychiques qu’à leur anormalité. Cette conception entraîne une annulation des distances, ou des limites pourrait-on dire, au profit de la construction d’un continuum psychodynamique où la maladie mentale côtoie de près l’homéostasie psychique comme signe de bonne santé mentale.

L’état limite occupe par conséquent un espace fluctuant et c’est ce qui le fonde dans son essence. Il suscite des débats passionnés où une position scientifique radicale prônant l’existence ou l’inexistence Les états limites 10 de l’état limite se frotte à une sorte de non-positionnement. Autrement dit, là où certains créent des limites ou un contrôle nosographique, d’autres préfèrent miser sur la constellation individuelle de traits
« transnosographiques » dont l’impulsivité, l’angoisse, la dépression, etc. (qui sont curieusement les indicateurs forts de l’état limite), offrent
l’exemple.

Ce regard porté sur l’état limite est discuté à travers les quatre premiers chapitres de l’ouvrage. Pour mieux comprendre comment
il se fonde, le retour sur l’histoire et l’évolution du concept paraît incontournable. Le deuxième chapitre propose une discussion sur les différents lieux épistémologiques. Il en ressort que l’état limite est considéré soit comme aménagement stable, soit comme rejeton de la cure, soit encore comme un effet du lien social. Devant ce découpage tripartite, les troisième et quatrième chapitres se demandent plus précisément comment, à partir de deux cliniques différentes, on parle des patients limites.

Le troisième chapitre cherche à éclairer la clinique syndromique avec ces différentes théories et résultats de recherche, alors que le quatrième chapitre vise à compléter le précédent par les travaux et modèles explicatifs qui interrogent à la fois les origines et les processus psychodynamiques de l’état limite. (…) »

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