C’est quoi une entreprise performante ?

Début du XXème siècle, une entreprise performante devait produire rapidement et en grande quantité, sans se soucier de la santé et des attentes des employés.

Le bien-être de l’entreprise était alors considéré comme non-compatible avec celui des employés.

Les limites du Taylorisme sur la performance

Cette vision du travail a, par exemple, donné naissance au taylorisme. Après avoir travaillé en usine, Frederick WINSLOW TAYLOR  arrive à plusieurs constats : le contrôle des supérieurs hiérarchiques n’est pas suffisant pour une coordination et un travail efficace chez l’ouvrier. Celui-ci s’arrange toujours pour travailler le moins possible car il ne veut pas avoir un rendement à effectuer de plus en plus important sans que le salaire augmente en conséquence. Enfin, bien que les ouvriers n’utilisent pas la bonne méthode de travail, ce sont eux qui décident de comment faire leur travail car ils ont un savoir-faire que ne maîtrise pas la direction.

A partir de ces postulats, TAYLOR met en place une méthode optimale de travailler, « the one best way ». Cette organisation scientifique du travail (OST) consiste à éliminer l’ensemble des gestes qui ne contribuent pas directement à l’exécution de la tâche. Les employés doivent être recrutés sur leur performance concernant la tâche à effectuer et formés là-dessus (« the right man in the right place »).
Plus un employé est performant, plus il doit être rémunéré. La mise en place de ce système est presque toujours accompagnée d’une augmentation immédiate de la productivité. Cependant, le système taylorien a très rapidement connu des limites. En effet, ce travail simple et répétitif entraîne chez l’employé de l’ennui, fatigue et stress, une qualité médiocre du travail, une faible productivité, et une augmentation de l’absentéisme. In fine, le manque à gagner au niveau humain dépasse largement les potentiels avantages économiques.

Figure 1 : Économie et manque à gagner humain dans la spécialisation du travail

 

Bien que cette conception du travail connaisse de nombreuses limites et lacunes, elle a continué et continue, encore aujourd’hui, d’être appliquée dans certains milieux organisationnels. On peut, par exemple, citer le « Lean Management » consistant à augmenter la performance d’une entreprise en se focalisant essentiellement sur la suppression de l’ensemble des étapes non-nécessaires à la production de la valeur.

La prise en compte de l’humain, un gage de performance ?

Figure 2 : Expérience de E. Mayo de l’impact de l’éclairage sur des ouvrières de la Western Electric

Au début du XXème siècle, les problématiques liées à la productivité étaient presque exclusivement portées sur l’efficacité organisationnelle telle que l’évaluation des compétences des employés ou la manière optimale d’effectuer son travail. Cependant, une série d’études menées par Elton MAYO, de 1924 à 1932 dans l’usine Western Electric à Hawthorne, a modifié la façon de voir le fonctionnement des entreprises et des employés.

L’objectif était d’étudier l’impact des conditions de travail (éclairage, temps de pause, jours de congé, …) sur la productivité des ouvriers. Les chercheurs ont constaté que la productivité augmentait indépendamment des variables modifiées (éclairage, temps de pause, …).

Plusieurs conclusions ont été tirées de ces résultats. Premièrement, la simple connaissance des individus du fait qu’ils sont observés modifie leur comportement. Deuxièmement, quand on s’intéresse à eux de façon positive, on influence leur comportement positivement. Enfin, les aspects informels et humains sont autant, voire plus importants que les aspects formels dans le milieu organisationnel.
Bien que ces travaux aient contribué à percevoir autrement le monde organisationnel et à prendre en considération le bien-être des employés, il a fallu attendre encore quelques décennies avant d’étudier l’impact des conditions de travail sur le bien-être des employés et leur performance.

Les travaux d'Arthur Kornhauser, pionnier de la psychologie de la santé

Tout au long du XXème siècle, beaucoup de sondages et études menées dans le domaine de la psychologie organisationnelle et industrielle étaient biaisées et partialles. En effet, les psychologues industriels étaient recrutés par les entreprises privées et mettaient en place des recherches dont l’objectif était d’étudier comment augmenter la productivité des employés, conformément aux attentes de leurs employeurs.

A titre d’exemple, les quelques recherches menées sur la santé mentale des travailleurs portaient majoritairement sur les effets négatifs de l’embauche d’employés mentalement instables. En 1939, l’échelle de tempéramment Humm-Wadsworth avait été créée dans le seul but d’identifier et de ne pas recruter ces individus considérés comme mentalement instable. C’est dans ce contexte que Arthur KORNHAUSER  a été l’un des premiers à s’intéresser à la manière dont les conditions de travail pouvaient influencer la santé mentale des travailleurs.
En 1965, KORNHAUSER mène plus de 400 entretiens avec des ouvriers de l’industrie automobile afin de mesurer différents aspects de la santé mentale (anxiété, estime de soi, …), des attitudes professionnelles (satisfaction au travail, sentiments envers les collègues,…) et personnelles (satisfaction dans la vie et envers la famillle) ainsi que le statut professionnel. Les résultats, publiés sous forme de livre intitué “Mental Health of the Industrial Worker”, ont permi à KORNHAUSER d’émettre l’hypothèse du débordement selon laquelle l’insatisfaction au travail impactait négativement la santé et la vie personnelle du travailleur. Ses travaux ont permis, dès les années 80-90, à d’autres chercheurs de s’engager dans cette voie.

En conlusion, la psychologie organisationnelle aujourd’hui

Ces travaux ont contribué à percevoir autrement le monde organisationnel, passant d’un champ d’investigation essentiellement focalisé sur la productivité des employés à un champs d’investigation beaucoup plus large recouvrant le bien-être des employés. Là-dessus, de nombreuses études ont confirmé les conditions de travail ont un impact sur le bien-être de l’employé, sa vie personnelle ainsi que sa performance professionnelle.
A titre d’exemple, la satisfaction au travail impacte positivement l’engagement ainsi que la performance des salariés. De même, un employé ressentant des affects positifs aura plus de comportements de soutien, sera plus performant et plus volontaire pour effectuer des tâches qui sortent du cadre formel. Au contraire, les humeurs négatives sont davantage liées à une moindre satisfaction au travail, plus d’absentéisme et plus de turn-over. Dernier exemple : un employé percevant un sentiment d’iniquité et d’injustice au sein de son organisation sera moins performant et moins productif. Il ne s’agit là que de quelques exemples qui démontrent que le bien-être de l’employé est intimement lié au bien-être de l’entreprise.

Au final, une entreprise performante, c’est quoi ? C’est avant tout une entreprise qui se soucie du bien-être de ses employés et qui met en place les conditions nécessaires afin qu’ils ressentent le bien-être. En résumé, la performance économique d’une organisation passe avant tout via la performance sociale.

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