Santé au travail : penser au stress test !

Santé au travail : penser au stress test !

La perception et la prise de décision en matière de risques, comme toute autre forme de raisonnement, laisse apparaître son lot de biais cognitifs, sociaux et motivationnels qui peuvent entraîner des conséquences dangereuses autant pour l’individu que pour une organisation. 

Typiquement, lorsqu’il s’agit d’envisager son avenir, nous avons tendance à considérer la survenue d’évènements positifs (« exercer un métier intéressant et bien rémunéré ») comme plus probable pour soi que pour les autres, et inversement pour la survenue d’évènements négatifs (« être au chômage pendant plus de 6 mois »). Ce phénomène, nommé optimisme comparatif (Harris & Middleton, 1994), peut avoir des effets contre-productifs lorsqu’il est irréaliste (Weinstein, 1980), en particulier dans le domaine de la santé. 

Quand le réel est mis de côté

Par exemple, plusieurs recherches ont souligné l’optimisme irréaliste exprimé aux niveaux individuel et sociétal face à la menace croissante de l’épidémie de coronavirus malgré l’accumulation croissante de preuves. Ce retard dans la perception des risques a ralenti la mise en place des mesures de précautions nécessaires et a participé à l’aggravation des conséquences critiques de l’épidémie.

Performance courte, ossature fragile

Dans le contexte du travail, ce type de phénomène est d’autant plus pertinent pour analyser les processus en jeu dans l’évaluation et la prise de décision face aux risques. Les entreprises, en proie à une compétition incessante, sont en quête de performance et d’optimisation pour rester concurrentielles sur le marché. Or, cette dimension compétitive et les buts de performances associés tendent à accroître l’optimisme comparatif (Krzeminski, 2015). En cherchant à maximiser l’efficacité, les décideurs s’appuient sur une représentation favorable de l’avenir (faussement) stable et maîtrisable. Si bien que les indicateurs de bien-être et d’expositions aux risques psycho-sociaux perdent bien souvent leur sens premier. Initialement inscrites dans une démarche d’anticipation et de prévention, ces mesures aboutissent fréquemment à des décisions maximisant le retour sur investissement à court-terme, voire sont réduites à un simple instrument marketing.

200 % d’effort, 0 marge de sécurité

L’une des illustrations les plus évocatrices de ce mésusage est certainement l’idéal de sur-engagement des employés. Disposer d’employés motivés et capables de se donner à 200% est sans doute un signal positif sur lequel l’entreprise peut capitaliser. La surproductivité résultant de ce haut niveau d’engagement conduit à le prescrire comme un fonctionnement normal, quitte parfois même à optimiser encore en tournant en sous-effectif. Cependant, à long terme, sans l’expression de reconnaissance suffisante et dans un contexte incertain, il s’agit d’un facteur d’exposition aux risques de burn-out systématiquement négligé.

Passer du déni à l’ingénierie du doute

Afin d’éviter ces écueils, il est nécessaire de remettre en saillance les informations délaissées par nos biais cognitifs et idéologiques. Autrement dit, il nous faut compenser ce biais d’optimisme par un pessimisme sceptique et constructif. Le stress test (ou crash test) apparaît alors comme une pratique capable de répondre à cet objectif. C’est un exercice bien connu des architectes et ingénieurs qui le pratiquent depuis le 16ème siècle afin de s’efforcer d’anticiper les dégâts des chocs climatiques sur les structures. 

Stress-tester pour tenir : robustesse en situation

Celui-ci consiste à simuler des scénarios catastrophes en rupture avec le contexte familier, et à évaluer la robustesse du système face à ces perturbations, c’est-à-dire sa capacité à maintenir un niveau de fonctionnement suffisant. Il s’agit donc bien de court-circuiter le biais d’optimisme en se contraignant à envisager un avenir défavorable. 

Quels seraient les pires scénarios auxquels votre organisation pourrait être confrontés ? Comment réagiriez-vous à ces problèmes ? Votre solution serait-elle viable dans le temps ? C’est en se confrontant à ces risques et en ayant une solution viable et durable que vous assurerez la robustesse de votre organisation.

3 questions de stress test à se poser
  1. Quel pire scénario peut toucher notre activité dans les 12 prochains mois ?
  2. Que se passe-t-il pour les équipes, les clients, les opérations jour J + 7 ?
  3. Quelles décisions sont prises, par qui, avec quelles données ?

 

Là où ça tient déjà

Par exemple, des stress test sont fréquemment mis en place dans les administrations publiques afin de prévenir les conséquences d’une catastrophe naturelle, d’une guerre ou d’une épidémie. Ils sont également largement utilisés dans l’univers financier pour lequel les fluctuations et les incertitudes sont incontournables.

Mesurer, puis renforcer : la robustesse comme standard

Evidemment, ces stress test ne sont pas à transposer à l’identique au contexte de l’entreprise et du bien-être au travail. Il faut identifier les scénarios pertinents qui permettront de remettre en question les normes et autres raccourcis de pensée accroissant les risques pour la santé et la satisfaction au travail. 

En outre, il ne s’agit pas de remplacer les mesures systémiques traditionnelles mais bien de les compléter par un travail de fond pour éviter les pièges de la performance à tout prix.

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