Cela fait maintenant plus d’une semaine que Daniel Kahneman nous a quitté. Mais quelle sagesse nous a-t-il transmise avant de partir ?
Daniel Kahneman est surtout connu pour ses travaux révolutionnaires dans le domaine de la psychologie cognitive et de l’économie comportementale. Son livre phare, « Penser, vite et lentement » explore les mécanismes de la pensée humaine en mettant en lumière les deux systèmes de pensée qui régissent notre cerveau : le Système 1, intuitif et rapide, et le Système 2, analytique et délibéré. Il explore également les biais cognitifs et les heuristiques qui influencent nos décisions. Kahneman a eu un impact fondamental sur notre compréhension de la prise de décision, influençant des domaines allant de l’économie à la psychologie en passant par les sciences sociales.
L’objectif de Daniel Kahneman avec « thinking fast and slow » était de rendre la psychologie de la perception, l’irrationalité, les erreurs de décision, les erreurs de jugement, la science cognitive, l’intuition, les statistiques, l’incertitude, la pensée illogique, accessible au grand public.
Les 5 biais les plus connus de Kahneman
Une baleine mesure-t-elle plus ou moins de 49 mètres ? Et quelle est votre estimation de la taille d’une baleine ? Lorsque ces deux questions sont posées dans cet ordre, les participants à une étude menée par les chercheurs en psychologie Fritz Strack et Thomas Mussweiler ont donné une réponse moyenne de 60 mètres. Cependant, lorsque seule la deuxième question était posée, la réponse moyenne chutait à 30 mètres.
La réponse correcte ?
En réalité, les plus grandes baleines mesurent environ une trentaine de mètres. Mais cela n’est pas le point essentiel ici. Cette expérience met en lumière le biais d’ancrage : la première question fournit une référence qui influence la réflexion et les réponses ultérieures.
Bien sûr, évaluer la taille d’une baleine n’est pas une situation courante, mais ce biais est omniprésent dans notre traitement quotidien de l’information, altérant nos schèmes de pensées
Le biais de confirmation
Par exemple, une personne qui croit fermement que le changement climatique n’est pas causé par l’activité humaine, lorsqu’elle lit un article scientifique sur le changement climatique qui présente des preuves convaincantes du rôle de l’activité humaine, pourrait involontairement rechercher des défauts dans la méthodologie de l’étude ou des raisons de discréditer ses conclusions, plutôt que de considérer objectivement les preuves présentées. À l’inverse, lorsqu’une information va dans le sens des croyances de cette personne, l’article n’est pas passé au crible comme pour l’article mettant en difficulté son système de valeurs.
Le bais de confirmation est donc la tendance à chercher, trouver et favoriser des preuves confirmant nos croyances tout en ignorant les contre-exemples.
L’effet de Halo
Une entreprise embauche pour un poste. La personne responsable de l’embauche rencontre deux candidats présentant tous deux un curriculum vitae moyen et une expérience équivalente sur le terrain. Avant de faire passer les candidats en entrevue, la personne responsable de l’embauche voit les deux candidats assis côte à côte et trouve l’un d’entre eux davantage séduisant physiquement que le second. Trouver que quelqu’un possède une certaine beauté suscite une impression positive et un sentiment globalement positif. Ce sentiment positif est ensuite généralisé aux autres caractéristiques du candidat, telles que sa compétence. La personne séduisante est donc perçue comme plus intelligente, plus responsable et mieux qualifiée en raison de l’effet de halo. Le candidat séduisant a donc de meilleures chances d’être embauché par la personne en charge.
L’effet de halo se produit donc lorsqu’une première impression basée sur un seul trait d’un objet évalué est généralisée à d’autres aspects, parfois non reliés, de cet objet. Ce biais cognitif se manifeste lorsque les individus jugent rapidement une personne en se basant sur les impressions favorables ou défavorables d’une de ses caractéristiques.
Vous l’aurez compris, l’effet de Halo est partout : Recrutement, management, service clients, marketing…
Le biais des coûts irrécupérables
Vous avez déjà investi une 100 000 euros dans le développement d’un projet qui montre peu de signes de succès. Plutôt que d’abandonner le projet et de couper vos pertes, vous pouvez être enclins à continuer à investir dans l’espoir de récupérer les coûts déjà engagés. Et vous serez préoccupé par le fait de perdre l’investissement initial, même si cela signifie investir davantage sans garantie de rendement futur.
Le biais des coûts irrécupérables, également connu sous le nom d’effet de dilution ou d’effet d’enracinement, peut être expliqué à la manière de Kahneman à travers le cadre de la théorie des perspectives et de la psychologie de la prise de décision. Ce biais se réfère à la tendance des individus à continuer à investir dans une activité ou un projet, même s’il est peu probable qu’il soit rentable à l’avenir, simplement parce qu’ils ont déjà investi des ressources (temps, argent, efforts) considérables.
Kahneman expliquerait ce biais en termes d’évaluation des pertes et des gains potentiels. Selon sa théorie de la perspective, les individus accordent plus de poids aux pertes qu’aux gains équivalents. Dans le cas du biais des coûts irrécupérables, les personnes ont tendance à se concentrer sur les coûts déjà engagés (irrécupérables) plutôt que sur les bénéfices futurs attendus.
L’aversion à la perte
Imaginez que vous ayez investi dans une action en bourse et que sa valeur a chuté de moitié. Vous ressentirez probablement une détresse émotionnelle plus intense que si la valeur de l’action avait augmenté de moitié. Cette asymétrie dans notre réponse émotionnelle peut nous pousser à éviter les situations de risque où nous pourrions subir une perte, même si les gains potentiels sont élevés.
Kahneman explique que cette aversion à la perte découle d’une asymétrie psychologique dans la façon dont nous évaluons les pertes et les gains. Les pertes sont perçues comme 2 fois plus douloureuses que les gains. Ce phénomène est souvent observé dans des situations où les individus doivent prendre des décisions impliquant un risque financier, bien qu’il puise évidemment s’appliquer à d’autres domaines organisationnels
Que faut-il retenir ?
Les travaux de Daniel Kahneman ont apporté une contribution immense non seulement à l’économie, mais aussi au monde des organisations.
En effet, Kahneman a aidé à éclairer les processus de prise de décision et les dynamiques interpersonnelles qui influencent le fonctionnement des entreprises et des équipes. En conscientisant ces biais cognitifs, les dirigeants et les gestionnaires peuvent prendre des décisions moins biaisées et mettre en œuvre des pratiques qui favorisent une culture organisationnelle plus ouverte, transparente et axée sur les résultats.
Pourquoi les travaux de Kahneman sont révolutionnaires ?
Tout simplement car ils ont montré que la compréhension du comportement humain ne se limite pas à des modèles économiques abstraits, mais repose également sur une connaissance approfondie de la psychologie cognitive. Leur importance réside dans leur capacité à nous aider à mieux comprendre les nuances et les complexités du comportement humain, tant dans le contexte économique que dans celui des organisations.
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