« À l’indignation, préférons l’action positive ! »

Jean-Louis Kiehl

Révolté par de trop nombreuses situations de surendettement, synonyme bien souvent de catastrophes sociales, Jean-Louis Kiehl refuse la banalisation de la précarité financière, terreau propice à une fatalité inéluctable, souvent rythmée par la sombre mélodie des agios, des interdits bancaires et des refus de tout ordre.

Ce « Briseur de dette » est le fondateur de l’association Crésus (lauréate inter alia des prix « Héros de notre temps » 2016 et « Mouves d’or » 2018).

Bien loin de l’image du justicier, Jean-Louis Kiehl est un homme humble, mais aussi combatif, pugnace, et déterminé. Sa parole est authentique, sa pensée solide et structurée, il a l’art de convaincre.


#Perspectives a rencontré pour vous cette personnalité hors du commun, héros des temps modernes pour échanger avec lui sur la période de crise que nous traversons.

Entretien avec Jean-Louis Kiehl, Président fondateur de l’Association Crésus.

Crésus : accompagner et prévenir l’exclusion financière

La crise sanitaire rend plus que jamais nécessaires les missions de l’association Crésus qui écoute et accompagne nos concitoyens en situation de fragilité économique, sociale et professionnelle.
Crésus est l’incarnation profonde de quatre valeurs cardinales : l’engagement, la compétence, l’esprit d’ouverture et l’humanisme.
Reconnue d’utilité publique, l’association est regroupée sous forme de fédération avec près de 200 points d’accueil en France et plus de 600 bénévoles experts (cadres de la banque et de l’assurance, cadres retraités de la Banque de France, avocats, magistrats, enseignants et entrepreneurs retraités), qui accueillent, écoutent, informent et accompagnent les personnes en situation de surendettement ou de malendettement et qui recherchent les solutions les plus adaptées à leurs difficultés financières, sociales et juridiques.
« Il ne s’agit pas de combattre la finance, mais de convaincre les acteurs du secteur de leur responsabilité sociétale. Il y a une rationalité économique pour éviter que les gens sombrent : lorsque l’on remet quelqu’un en selle, il rembourse sa dette, à condition de lui en laisser le temps. »,
nous explique Jean-Louis Kiehl.

La réceptivité, un travail capital pour une prise de conscience collective 

L’association combat le surendettement, non pas contre les acteurs économiques comme les banques, mais bien avec elles. La tâche est immense pour que les banques acceptent de reconnaître que les clients défaillants d’aujourd’hui pourront être de bons clients demain. Parce qu’en effet, nous ne vivons pas dans un monde onirique, les acteurs économiques veulent croître, développer des marges et créer de la richesse.
Pour autant, de plus en plus de structures à l’initiative de leur COMEX rejoignent et soutiennent Crésus. « Nombre de grands patrons ont compris que la performance ne réside pas uniquement sur le chiffre d’affaires et le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (EBITDA). Ils inscrivent leur activité dans un écosystème plus large où chacun est à sa place. Les banques font du business, mais doivent tenir compte de l’évolution de la société. Une société peut s’apparenter à du corail, s’il y’en a un qui est véreux tout la barrière en pâtie », explique Jean-Louis Kiehl.
L’économie a besoin des banques qui, avec l’aide de Crésus, intègrent les plus fragiles, pour bénéficier davantage de crédibilité. Modifier le logiciel et les principes de fonctionnement de l’économie dite dure s’apparente souvent à un Koh Lanta version marathon !  Ainsi, le système bancaire change, mais lentement.
Engagé dans cette course contre la montre, Crésus innove via son laboratoire, et lancera prochainement une solution digitale basée sur le prédictif par rapport à chaque profil : Le BGV (budget à grande vitesse). « Cette Intelligence artificielle (IA) sera en mesure de calculer en temps réel le reste à vivre pour orienter la personne plus rapidement vers les créanciers ». Fidèle aux valeurs de l’association, cet outil sera gratuit et disponible pour toutes et tous.

S’engager dans des activités ou pratiques socialement bénéfiques

Les grands groupes sont également confrontés à la nécessité de trouver des solutions pour les plus bas salaires. Pour être alignées avec les principes édictés dans les chartes de responsabilité sociale (RSE), les entreprises doivent s’engager dans des activités ou des pratiques socialement bénéfiques, celles qui à terme ajoutent de la valeur à l’entreprise, dans le cadre d’une démarche de performance sociale.
Crésus est souvent appelé pour participer à des comité de direction afin d’évaluer et valider certains choix, portés davantage par des valeurs incarnées par l’entreprise.
Ces entreprises y trouvent un intérêt pour :

  • attirer de nouveaux collaborateurs, car les jeunes diplômés ont le choix, et attendent du sens dans leur mission et des valeurs qui leur correspondent ;
  • conserver des talents, et améliorer l’image et le contrat social ;
  • et pour les actionnaires, acquérir des actions d’institutions ayant un comportement sociétal positif.

Crise sanitaire et maladie financière : terrain propice au surendettement

L’État a mis en place de nombreux dispositifs pour compenser la perte de revenu, mais les besoins sont immenses. Certaines catégories sociales souffrent particulièrement, et notamment les jeunes. Bercy avec le concours de Crésus accélère les accès au microcrédit. L’objectif est d’accéder à des emprunts responsables. Crésus prépare les dossiers de crédits en lien avec les banques, ce qui favorise la mobilité des jeunes, notamment pour l’achat de véhicules récents et répondants aux normes antipollution.

Jean-Louis Kiehl nous explique que « certains bénéficiaires perdent la boussole », car la période révèle des fragilités antérieures. Nombre d’entre eux craignent de perdre leur emploi et/ou se confrontent difficilement à la dissolution des temps de vie professionnelle et de vie personnelle liés au télétravail.
L’écoute active permet de mieux comprendre la complexité des situations et de remettre de l’ordre dans les choses. « Cette crise révèle notre fragilité commune. Crésus gère et traite la maladie financière. Les vulnérabilités existent et sont gelées par les soutiens financiers. Aujourd’hui, c’est un saut vers l’inconnu, ce que nous savons c’est qu’il y aura des fermetures d’entreprises, des licenciements et à terme des situations de surendettement en nombre. Pour autant, c’est la première fois dans notre histoire que l’on met le sanitaire et la santé devant l’économie ».
Dès le premier confinement, Crésus a lancé une grande campagne de rappels des bénéficiaires qui avaient été suivis. Ces derniers ont majoritairement confirmé qu’ils dépensaient moins et de manière plus responsable en matière d’alimentation.
Par contre, le sentiment de peur latent est accentué par les médias et le traitement du sujet de la crise sanitaire.
Aujourd’hui, Crésus représente, par ses actions, un tiers de confiance entre le l’État, les Banques et les bénéficiaires.

Vers une société plus inclusive

Les agents économiques cherchent du profit, mais doivent aujourd’hui s’engager dans la durée pour réussir la transformation dans laquelle nous nous inscrivons. Jean-Louis Kiehl nous rappelle 3 enjeux fondamentaux :

  • l’égalité des chances et la lutte contre la pauvreté,
  • la preservation de l’environnement,
  • la lutte contre la fracture digitale.

« Les choses ne peuvent pas revenir comme avant, cela peut représenter une opportunité de changement. Seulement s’il y a une prise de conscience générale pour dépasser l’individualisme et aller vers une société plus inclusive, formative, où chacun trouve sa place. 
Dès aujourd’hui, tout le monde va devoir fournir sa part d’effort supplémentaire, dépasser nos peurs, nous devons avoir confiance en chacun et trouver la force. Il s’agit de réinstaurer de la confiance. À l’indignation, préférons l’action positive ! »